Nuit de la lecture, écrivains de la nuit…

Chapô

Enfant, qui n’a jamais fait semblant d’éteindre la lumière à l’heure du coucher pour s’empresser de la rallumer quelques minutes plus tard pour poursuivre le fil de sa lecture ? Si le calme de la nuit est, pour certains, propice à la lecture, elle est également le moment que privilégient bon nombre d’écrivains pour se mettre à l’ouvrage.

Texte

Dans une lettre qu’il rédigea le 1er septembre 1836, Balzac, auteur de La Comédie humaine, écrivait : « J'ai repris la vie de forçat littéraire. Je me lève à minuit et me couche à six heures du soir. » Pour tenir la cadence d’écriture infernale qui était la sienne, Balzac profitait ainsi du calme de la nuit pour débuter sa journée de travail, qui durait en général 18h.

Le créneau 22h – 3h du matin avait quant à lui les faveurs de Flaubert. Pour preuve, la préface de Lettres de Flaubert à Sand dans laquelle Maupassant écrit : « Il veillait jusqu’à trois ou quatre heures du matin, accomplissant alors le meilleur de sa besogne, dans le silence calme de la nuit, dans le recueillement du grand appartement tranquille, à peine éclairé par deux lampes couvertes d’un abat-jour vert. »

Kafka était employé dans une compagnie d’assurance le jour. Il écrivait donc de 23h au petit matin. Dans la seule nuit du 22 au 23 septembre 1912, il rédigea Le Verdict, l’un des seuls récits qu’il ne désavoua jamais. Il dira par la suite : « À plusieurs reprises durant cette nuit, j'ai porté le poids de mon corps sur mon dos. »

D’après le critique littéraire italien Pietro Citati, Dostoïevski « écrivait la nuit, de dix heures du soir à cinq heures du matin ; il était pris d’engourdissements, de flux de sang à la tête […] et pourtant, il ne pouvait écrire que la nuit, car seule la nuit lui apportait le silence et les ténèbres dont il avait besoin. » L’une de ses nombreuses nouvelles s’intitule d’ailleurs Les Nuits blanches (1848).

Voltaire et plus récemment Toni Morrison ou Haruki Murakami font également partie de la longue liste des écrivains noctambules qui tendent à prouver qu’il peut être judicieux d’écrire la nuit venue.

 

Source : Mason Currey, Daily Rituals : How artists work, éd. Knopf, 2013